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Association des riverains de Lann-Bihoué. Nous vous informons sur les nuisances sonores, l'urbanisme et la sécurité aérienne.
13 septembre 2015

Extrait du rapport de L'Assemblée Nationale du 24 Avril 2001

2. La question des vols militaires

Le trafic militaire répond à des caractéristiques tout à fait différentes de celles des vols civils. Il ne connaît pas, en premier lieu, la même évolution en volume. D'une manière générale, l'activité aérienne militaire est en effet plutôt en déclin. La situation est toutefois très variable selon les bases et évolue en outre selon les circonstances de manière beaucoup plus heurtée que le trafic civil. L'activité aérienne militaire reste en outre non négligeable en volume et entraîne des nuisances significatives en raison des caractéristiques des aéronefs.

A la demande de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aména-gement du territoire et de l'environnement, un groupe de travail a été créé en 1998 pour étudier les problèmes posés par le bruit dans les aéroports d'Etat. Le rapport de ce groupe de travail que présidaient MM. Dominique Moyen et Georges Burger a recensé le nombre de mouvements réalisés en 1998 entre 22 heures et 6 heures sur les principales plates-formes aéronautiques utilisées par le ministère de la défense. En 1998, 21 aérodromes ont connu un trafic militaire nocturne de plus de 2000 mouvements (4). Les aérodromes les plus actifs la nuit ont été la base de Cognac-Châteaubernard (Charente) avec 7 656 mouvements nocturnes, la base de l'aéronautique navale de Landivisiau (Finistère) avec 7 500 mouvements nocturnes, la base d'Avord (Cher) avec 7 471 mouvements nocturnes et la base du Luc (Var) avec 5 809 mouvements nocturnes.

Le nombre de mouvements nocturnes est donc très significatif sur certaines bases ; les nuisances qu'ils entraînent sont en outre particulièrement vives en raison des caractéristiques des aéronefs militaires.

Il faut à cet égard distinguer au sein des appareils utilisés par l'armée, les avions de combat. Ceux-ci sont en effet équipés de réacteurs à faible taux de dilution. Comme le rappelle le rapport précité (5), « cette caractéristique des avions militaires entraîne trois conséquences défavorables quand ils sont comparés aux avions civils modernes :

- le niveau de bruit à la source est plus élevé ;

- l'émission sonore est moins bien répartie : elle est due essentiellement au jet ;

- la directivité de l'émission est davantage orientée vers le sol ».

Il semble en outre que les appareils de combat les plus récents ne tendent pas à être significativement moins bruyants que leurs prédécesseurs. Les riverains de la base de Landivisiau peuvent en témoigner pour ce qui concerne le Rafale...

Enfin, il faut noter que les spécificités en matière de bruit des aéronefs militaires ne concernent pas que les avions de combat équipés de réacteurs et que d'autres types d'aéronefs, notamment les hélicoptères, présentent des caractéristiques sonores particulières.

B.- UN PROBLÈME DE GRANDE AMPLEUR MOBILISANT LES POPULATIONS

1. Le nombre considérable des victimes du bruit des mouvements nocturnes d'aéronefs

Il est difficile de connaître avec précision le nombre des victimes des nuisances sonores liées aux mouvements nocturnes d'aéronefs. Selon une fédération d'associations très active sur cette question, l'Union française contre les nuisances aériennes (UFCNA), 6 millions de personnes seraient concernées en prenant en compte l'ensemble des aérodromes civils et militaires. Il s'agit manifestement là d'une fourchette haute. A l'inverse, si l'on se contente de prendre en compte les personnes vivant dans des lieux compris dans le périmètre des plans de gêne sonore institués par l'article 19-1 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, la population concernée serait de l'ordre de 500 000 personnes. Ce chiffre correspond quant à lui à une fourchette basse. En effet, les plans de gêne sonore ne concernent que quelques aéroports et ne couvrent en outre que les zones les plus exposées au bruit de sorte qu'il est tout à fait envisageable de vivre à proximité d'un aéroport et d'en subir une nuisance sonore significative sans habiter à l'intérieur du périmètre d'un plan de gêne sonore.

En l'absence d'un recensement plus précis, on se bornera donc à estimer qu'entre 500 000 et 6 millions de nos concitoyens souffrent de nuisances sonores liées au trafic aérien. Il est clair que les nuisances sonores sont d'une importance très variable.

Pour les aéroports civils, les nuisances les plus vives pour les riverains semblent liées au trafic au départ ou à destination des aéroports de Roissy, d'Orly, de Lyon, de Toulouse et de Metz. Cette liste n'est naturellement pas exhaustive et il importe en outre de rappeler que les nuisances peuvent être très significatives sur le trajet des avions, même à une distance relativement importante des aéroports.

Pour ce qui concerne les bases aériennes militaires, les nuisances semblent particulièrement ressenties à proximité des bases de Landivisiau, d'Orange, de Dijon, de Tours, d'Hyères et du Luc.

2. Les nuisances sonores liées au trafic aérien suscitent de vives protestations des populations les subissant

L'opposition des riverains des aéroports aux nuisances sonores liées au trafic aérien peut être constatée dans le monde entier. Les protestations sont particulièrement vives pour le trafic nocturne.

Ainsi, en Allemagne, on sait que c'est pour tempérer les craintes des riverains face aux conséquences de l'extension souhaitée de l'aéroport de Francfort qu'il a été proposé d'instituer en contrepartie un couvre-feu nocturne.

De même, en Italie, des associations de riverains ont obtenu l'annulation de la dérogation à l'interdiction générale des vols de nuit dont bénéficiaient les aéroports internationaux de Rome et de Milan.

En France, l'exemple récent d'une mobilisation très large a été donné par les habitants de Strasbourg inquiets de l'implantation prévue sur l'aéroport de leur ville du transporteur DHL. Une manifestation a ainsi rassemblé 15 000 personnes dans les rues de Strasbourg en septembre 1996 conduisant à l'abandon du projet.

En Ile-de-France, des mobilisations significatives ont également été constatées. Tel a notamment été le cas de la manifestation du 17 octobre 1997 à Paris contre l'extension de l'aéroport de Roissy.

Il existe d'ailleurs dans notre pays un réseau assez dense d'associations très actives qui dénoncent et combattent les conséquences néfastes pour les riverains du trafic aérien. Beaucoup des associations consacrées spécifiquement à cette question sont rassemblées au sein de l'Union française contre les nuisances aériennes (UFCNA). Des associations dont le champ est plus large agissent également pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur cette question. Tel est notamment le cas des Amis de la terre France, association qui, dans le cadre de la campagne européenne « Ciel vert » a récemment organisé une manifestation devant le ministère des transports pour demander un couvre-feu entre 23 heures et 6 heures sur tous les aéroports français.

Entendus par votre rapporteur, les représentants de l'UFCNA et des Amis de la terre France lui ont d'ailleurs fait part du total soutien que leurs associations apportaient à la présente proposition de loi, soutien également exprimé par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT).

La vigueur des protestations des victimes des nuisances sonores liées au trafic aérien atteste de l'importance du problème. Elle traduit également une demande sociale à laquelle le législateur ne peut rester insensible. Une action des pouvoirs publics s'impose donc. Elle apparaît même dans l'intérêt du secteur du transport aérien tout entier que la pérennisation du statu quo réglementaire ou des réformes trop limitées risquent d'exposer, à terme, à une réaction de rejet global.

Les souhaits des populations comme les intérêts bien compris des acteurs industriels imposent donc une action. Mais si votre rapporteur a décidé de se saisir du problème, c'est d'abord et avant tout en raison du problème de santé publique lié au bruit des mouvements nocturnes d'aéronefs.

II.- LE BRUIT DES AÉRONEFS CONSTITUE UN PROBLÈME
DE SANTÉ PUBLIQUE MAJEUR

« La croissance des nuisances sonores est insupportable, parce qu'elle a des effets négatifs sur la santé à la fois directs et cumulés » estime l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (6). Ces effets sont aujourd'hui bien connus comme commencent à l'être ceux spécifiquement liés au bruit des mouvements nocturnes d'aéronefs. Si l'on distingue souvent les effets auditifs des effets non auditifs du bruit, il convient de préciser que beaucoup de ces derniers peuvent être liés à la perturbation du sommeil qu'entraîne, pour les riverains des aérodromes, les mouvements nocturnes d'aéronefs.

A.- LES EFFETS DU BRUIT SUR L'AUDITION

Les effets auditifs du bruit peuvent être :

- des atteintes de l'oreille moyenne. Des lésions apparaissent dès lors que le niveau sonore dépasse 120 décibels (A) (7). Elles se manifestent par une rupture du tympan ou une luxation des osselets ;

- des lésions de l'oreille interne. Elles résultent notamment de l'exposition à un bruit intense [dépassant 85 décibels (A)], de manière prolongée et répétée. Il existe alors un risque de surdité progressive et irréversible. Si la perte d'audition concerne principalement les fréquences aiguës, elle peut entraîner des troubles de compréhension de la parole. Des lésions de l'oreille interne peuvent également apparaître après une exposition courte à un niveau sonore très élevé, supérieur à 105 décibels (A) [par exemple, une explosion]. Dans ce cas, des cellules dites « ciliées » peuvent être détruites, ce qui provoque alors une surdité traumatique. Les lésions de l'oreille interne sont en outre la conséquence d'un processus complexe et ne dépendant pas uniquement de l'intensité du bruit, mais aussi de ses fréquences vibratoires, de sa durée, de la brusquerie de son déclenchement, de sa répétition ou du milieu dans lequel il est émis. Ainsi, la durée d'exposition au bruit est-elle un facteur de nocivité de ce dernier, de même que les bruits répétés sont plus nocifs que les bruits continus.

Il convient également de noter que si la douleur n'apparaît qu'à un seuil de 120 décibels (A), la fatigue auditive ou la surdité passagère surviennent bien en deçà de cette valeur et peuvent être accompagnées de « bourdonnements ».

Le tableau ci-après permet de hiérarchiser les sources de bruit selon l'intensité de ce dernier. On constate que les effets auditifs du bruit, qui apparaissent dès lors que le seuil de 85 décibels (A) est atteint ou dépassé, se manifestent essentiellement dans des milieux professionnels ou dans des circonstances particulières (discothèques, concerts, etc.). Ce seuil peut toutefois également être dépassé à proximité des aéroports.

HIÉRARCHISATION DES SOURCES D'ÉMISSIONS SONORES

 

Possibilité de conversation

Sensation auditive

Nombre dB

Bruits intérieurs

Bruits extérieurs

Bruits des véhicules

Seuil d'audibilité

0

     

A voix chuchotée

Silence inhabituel

5

Laboratoire d'acoustique

   

Très calme

10

Studio d'enregistrements

   
 

15

Cabine de prise de son

Feuilles légères agitées par vent doux dans un jardin silencieux

 

Calme

20

Studio de radio

   
 

25

Conversation à voix basse à 1,50 m

   
 

30

Appartement dans quartier tranquille

   
 

35

   

Bâteau à voile

A voix normale

Assez calme

40

Bureau tranquille dans quartier calme

   

45

Appartement normal

Bruits minimaux le jour dans la rue

Transatlantique de 1ère classe

A voix assez forte

Bruits courants

50

Restaurant tranquille Grands magasins

Rue très tranquille

Auto silencieuse

 

60

Conversation normale

Rue résidentielle

Bâteau moteur

Bruyant mais supportable

65

Appartement bruyant

   
 

70

Restaurant bruyant
musique

Circulation importante

Wagons-lits modernes

 

75

Atelier dactylo

 

Métro sur pneus

   

Usine moyenne

   

Difficile

 

85

Radio très puissante

Atelier d'ajustage

Circulation intense à 1 m

Bruits de métro en marche

Pénible à entendre

95

Atelier de forgeage

Rue trafic intense

Klaxons d'autos
Avions de transports à hélices à faible distance

Obligation de crier pour se faire entendre

Très difficilement supportable

100

Scie à ruban

   
 

Presse à découper de moyenne puissance

Marteau piqueur dans une rue à 5 m

Moto sans silencieux à 2 m

105

Raboteuse

Métro (intérieur sur certaines lignes)

 

110

Atelier de chaudronnerie

Rivetage à 10 m

 

Impossible

Seuil de douleur

120

Banc d'essais de moteurs

 

Moteurs d'avion à quelques mètres

Exige une protection spéciale

130

Marteau-pilon

   
 

140

Turbo-réacteur au banc d'essais

   

Source : ministère de l'emploi et de la solidarité, Les effets du bruit sur la santé, 1998.

Il faut d'ailleurs souligner que selon l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA), à proximité de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaule, 15 % des mouvements d'aéronefs donnent lieu à des mesures au sol supérieures à 85 décibels à la frontière des zones B et C des plans d'exposition au bruit, cette proportion passant à 44 % pour une mesure au sol de 80 décibels.

Très logiquement au regard de ces chiffres, plusieurs études mettent en évidence les dommages à l'audition subies par les riverains d'aéroport et en particulier par des enfants. Des études successives réalisées à Taiwan ont notamment établi chez des enfants d'âge scolaire que des dommages aux organes cochléaires périphériques8 mais également au canal auditif central9 étaient corrélés de manière significative à l'exposition au bruit des aéronefs.

Néanmoins, les conséquences sanitaires potentiellement les plus inquiétantes pour les riverains d'aérodromes concernent les effets non auditifs du bruit.

B.- LES AUTRES EFFETS DU BRUIT

L'effet du bruit sur la santé le plus évident est la gêne qui a été définie comme « une sensation perceptive et affective négative exprimée par des personnes qui entendent du bruit »10. Elle constitue bien un problème de santé publique. La santé n'est en effet pas l'absence de maladies et l'on sait d'ailleurs depuis la thèse de Georges Canguilhem11 la difficulté qu'il peut y avoir à tenter de distinguer les états normaux et pathologiques. La santé doit être entendue comme un état de complet bien-être physique, mental et social conformément à la définition qu'en donne la charte de l'Organisation mondiale de la santé.

Cette gêne n'est pas contestable. On a vu qu'elle conduisait à la mobilisation les victimes des nuisances sonores aéroportuaires. Elle a été récemment analysée de manière approfondie au voisinage des aéroports d'Orly et de Roissy par l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS).

Elle met en évidence l'importance de cette gêne. Ainsi, 44 % des riverains interrogés déclarent avoir l'intention de déménager, le bruit des avions étant de très loin la première raison invoquée pour expliquer cette décision. Il apparaît en outre que « pour plus de 20 % des habitants des zones aéroportuaires, le bruit des avions produit de l'énervement et a un effet néfaste sur la santé ».

Pour ce qui concerne la perception du bruit nocturne, on peut noter que 16 % des personnes interrogées déclarent dormir assez mal, mal ou très mal, résultat dont il faut toutefois nuancer la pertinence puisque d'une part, la perception subjective de la qualité du sommeil ne coïncide pas nécessairement avec la qualité réelle de celui-ci et que, d'autre part, il est évident que d'autres facteurs que le bruit des aéronefs interviennent.

La gêne lié au bruit des avions a également pour conséquence d'empêcher, parfois ou fréquemment, 40 % des personnes interrogées d'ouvrir les fenêtres en soirée et 30,2 % de le faire la nuit. Il convient d'analyser ce chiffre en se rappelant que plus de 40 % des personnes auxquelles un questionnaire a été adressé vivent à proximité d'Orly et il serait utile de connaître le résultat correspondant pour les seuls riverains de Roissy...

Le premier effet du bruit des mouvements nocturnes d'aéronefs sur la santé est donc la gêne qu'ils entraînent. Cette gêne n'est toutefois manifestement pas la seule conséquence sanitaire.

Ainsi, comme l'explique Alain Muzet, directeur de recherches au CNRS dans un remarquable ouvrage de vulgarisation12, « les différents systèmes physiologiques réagissent au phénomène sonore, dont la répétition peut constituer une véritable agression pour l'organisme ». Ces réponses de l'organisme au stimulus que constitue le bruit sont appréhendées par la littérature scientifique à partir de la notion de « stress ». Il peut en résulter des effets variés sur la santé, le bruit pouvant ainsi être notamment responsable de troubles du système digestif ou de l'affaiblissement des défenses immunitaires. Certaines études semblent également attester d'une influence de l'exposition des femmes enceintes au bruit, et notamment à celui des avions, sur le développement du f_tus. Les effets non auditifs du bruit les mieux établis semblent toutefois essentiellement concerner la circulation sanguine, d'une part, et la santé mentale, d'autre part.

Il apparaît en premier lieu que le bruit peut avoir des effets cardio-vasculaires significatifs. En effet, « le bruit entraîne une réponse non-spécifique au niveau du système cardio-vasculaire en accélérant la fréquence cardiaque et en provoquant une vaso-constriction (diminution du calibre des petites artères). Ces modifications cardio-vasculaires sont propices à l'élévation de la pression artérielle, qui peut être élevée de façon permanente dans les populations soumises de manière chronique à des niveaux de bruit élevés »13. L'influence du bruit dans l'apparition d'hypertensions artérielles et plus généralement de pathologies cardio-vasculaires, bien établie en laboratoire, est également confirmée par de nombreuses études épidémiologiques conduites pour l'essentiel, il est vrai, auprès de personnes exposées au bruit au travail.

Le ministère de l'emploi et de la solidarité rappelle toutefois que de nombreuses études « suggèrent une relation entre exposition aux bruits d'avion et hypertension artérielle »14 et note que « la prescription de médicaments destinés à lutter contre l'hypertension artérielle a évolué parallèlement à l'augmentation du trafic de l'aérodrome d'Amsterdam » 15 dans les zones exposées à des niveaux de bruit variant de 69 à 78 dB(A). Alain Muzet ajoute que « dans une étude réalisée au début des années 90 autour de l'aéroport de Munich, il a été montré que les adultes et les enfants exposés au bruit des avions présentaient une élévation du taux des hormones du stress associée à une augmentation de leur pression artérielle »16. L'OMS estime pour sa part que « la conclusion globale [des études réalisées] est que des conséquences cardio-vasculaires sont associées à l'exposition de long terme au bruit du trafic aérien ou routier à un niveau acoustique équivalent sur 24 heures (Leq,24h) de 65 à 70 dB(A) ou davantage. Toutefois, l'association est faible et l'effet semble plus fort pour les maladies cardio-vasculaires ischémiques que pour l'hypertension. Néanmoins, de tels risques limités sont potentiellement importants compte tenu du grand nombre de personnes exposées à ces niveaux de bruit ou susceptibles de l'être »17.

Le bruit peut également avoir des effets négatifs significatifs sur la santé mentale. Sans être la cause directe du développement de maladies mentales, il semble être susceptible d'aggraver ces maladies ou d'accélérer leur développement en particulier pour des personnes fragiles. De nombreuses études ont mis en évidence une corrélation entre l'exposition au bruit et divers indicateurs de la santé mentale dont la consommation de médicaments psychotropes et notamment de tranquillisants ou l'admission dans les hôpitaux psychiatriques. Alain Muzet évoque par exemple des résultats « observés au Danemark autour de l'aéroport de Copenhague où les consultations et les hospitalisations en service psychiatrique sont nettement plus nombreuses dans les zones exposées au bruit que dans les zones témoins » et précise que « la consommation de tranquillisants montre la même différence (...), l'exposition au bruit entraînant une surconsommation de ces produits. »18

L'enquête de gêne sonore autour d'Orly et de Roissy citée plus haut fait d'ailleurs apparaître que le recours très fréquent à des somnifères est trois fois plus important parmi les personnes ayant participé à l'enquête et vivant à proximité de Roissy que parmi celles vivant à proximité d'Orly. Il est vrai qu'au c_ur de la problématique sanitaire du bruit des aéronefs se trouve la question de la perturbation du sommeil.

C.- LA PERTURBATION DU SOMMEIL EST PARTICULIÈREMENT PRÉOCCUPANTE

Les enquêtes de gêne sonore mettent en évidence les perturbations du sommeil ressenties par les riverains qui, quoique très significatives, sont parfois moins importantes qu'on pourrait s'y attendre quand on connaît le bruit qu'ils subissent. Ce décalage s'explique par une certaine adaptabilité psychologique.

Mais cette adaptation n'est que subjective et il est essentiel de souligner que l'organisme, lui, ne s'habitue pas au bruit, le système auditif étant constamment en alerte, de jour comme de nuit. Les études menées sur les perturbations du sommeil en cas d'exposition au bruit en attestent.

On pourrait multiplier les exemples tant les études sont nombreuses, conduisant les synthèses tant de l'OMS que du ministère de l'emploi et de la solidarité qui les répertorient à des analyses sans ambiguïté. Rappelons simplement l'un des résultats les plus frappants : selon une étude (19) menée en 1974, l'arrêt des vols nocturnes sur l'aéroport de Los Angeles a eu pour conséquence une nette amélioration de la qualité du sommeil des riverains de l'aérodrome. Notamment, la durée du sommeil lent profond a augmenté de 5 % une semaine seulement après la cessation des vols de nuit.

Or le sommeil est une nécessité physiologique vitale. Il est en effet nécessaire de dormir et il est également nécessaire de bien dormir faute de quoi peut en résulter, au réveil, un ensemble d'effets négatifs.

Les études réalisées sur les conséquences sur le sommeil de l'exposition au bruit montrent que celle-ci peut diminuer significativement le temps de sommeil, en retardant voire en empêchant l'endormissement, en réveillant le dormeur et en l'empêchant le cas échéant de retrouver le sommeil. Mais, comme nous le disions, à ces effets directement ressentis par les personnes qui en sont victimes, il faut en ajouter d'autres car la qualité du sommeil peut également être affectée. Les phases de sommeil et la profondeur du sommeil peuvent ainsi être altérées, une réduction de la proportion du sommeil paradoxal ayant particulièrement été mise en évidence. Il est en effet aujourd'hui certain que l'exposition chronique au bruit moderne a pour conséquence une modification de la structure globale du sommeil, semblable d'ailleurs à celle que l'on considère comme caractéristique des patients dépressifs.

ÉCHELLE DES TROUBLES DU SOMMEIL EN FONCTION DU BRUIT

 

décibels (A)

 

_ 75

Endormissement impossible

_ 65

réveil de l'adulte

_ 55

réveil de l'enfant

_ 45

sommeil paradoxal altéré

_ 35

perturbations de l'électroencéphalogramme

Source : Ministère de la santé, http : //centre.sante.gouv.fr/environ/bruit/brsante3.htm

Il résulte de ces effets directs du bruit sur le sommeil dits effets primaires, des effets secondaires après le réveil. Il s'agit bien évidemment d'une fatigue accrue, d'un sentiment de bien-être moindre, voire d'un état dépressif, et plus généralement de performances réduites.

Il n'est pas aisé de faire la part de cette fatigue générale de l'organisme dans l'apparition des autres effets négatifs du bruit sur le santé. On peut en revanche raisonnablement penser qu'elle a un rôle important dans l'effet particulièrement préoccupant du bruit qui a été constaté sur les capacités d'apprentissage des enfants.

Il faut à cet égard distinguer deux types d'effets convergents. En premier lieu, le bruit, au domicile comme à l'école, pèse sur la compréhension auditive et sur l'acquisition du langage et constitue, en outre, une source de distraction susceptible de nuire à la capacité d'accomplir des tâches complexes comme le rappelle l'OMS20. En outre et surtout, l'exposition prolongée et la fatigue qui en découle, notamment compte tenu de la perturbation du sommeil, favorise l'apparition d'états dépressifs et la démotivation. L'OMS relève ainsi que des études réalisées à proximité de l'aéroport de Los Angeles, d'une part, et de Munich, d'autre part, avaient mis en évidence les effets négatifs du bruit des avions sur les capacités d'apprentissage. Ces résultats ont en outre été très récemment confirmés par une étude conduite sur huit écoles de la région de Londres, dont quatre situées dans des zones très exposées au bruit, qui a montré que l'exposition chronique au bruit des avions était corrélée à une capacité de lecture anormalement faible compte tenu des autres paramètres statistiquement significatifs.21 L'Organisation estime donc que « pour le bruit des avions, il a été montré qu'une exposition chronique durant la prime enfance semble nuire à l'acquisition de la lecture et réduire les capacités de motivation »22.

Il est en effet indéniable, compte tenu de l'intensité des émissions sonores des avions au décollage et à l'atterrissage, que la gêne ressentie par les riverains d'aérodromes lors des vols de nuit est réelle.

Qu'on en juge plutôt : l'OMS23, qui a récemment publié ses directives relatives au bruit dans l'environnement, estime que pour éviter des effets négatifs sur le sommeil, le « bruit de fond » en intérieur ne doit pas excéder 30 décibels (A) et les crêtes, 45 décibels (A). Il est précisé qu'un niveau inférieur doit être préféré pour protéger les personnes les plus sensibles. Telles sont les recommandations internationales qui visent à protéger la santé publique.

Rappelons en regard les éléments communiqués par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) et déjà mentionnés selon lesquels, à proximité de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaule, 15 % des mouvements d'aéronefs donnent lieu à des mesures au sol supérieures à 85 décibels à la frontière des zones B et C des plans d'exposition au bruit, cette proportion passant à 44 % pour une mesure au sol de 80 décibels.

Lorsque l'on sait que l'isolation phonique sophistiquée d'un domicile (dont le résident ne profitera naturellement qu'à la condition de vivre calfeutré chez lui, ce qui n'ira pas sans engendrer d'autres conséquences sanitaires liées à la qualité de l'air intérieur) ne permet, au mieux, que de réduire d'environ 30 décibels le bruit constaté à l'extérieur, on mesure le caractère inacceptable de la situation actuelle.

Seuls les plus chanceux des riverains, à savoir ceux dont le domicile est éloigné des pistes et correctement isolé, subissent des niveaux de bruit « satisfaisants » au regard des normes internationales.

Mais qu'en est-il des autres ? Et peut-on considérer comme normales et saines des conditions de vie qui imposent de vivre constamment dans un espace hermétiquement clos ?

Votre rapporteur en est convaincu, l'interdiction des vols de nuit constitue un enjeu majeur de santé publique. Les prévisions de croissance du trafic aérien, la multiplication des mouvements enregistrés sur les plates-formes aéroportuaires sont telles que les nuisances supportées par les riverains vont rapidement devenir insupportables ; elles le sont déjà dans certaines zones.

Il ne paraît pas, dans ce contexte, déraisonnable de permettre à ces populations de bénéficier, au moins, d'un sommeil réparateur. Les nombreux exemples de couvre-feux, aux modalités certes variables, institués à l'étranger, illustrent d'ailleurs le retard de la France en matière de protection des populations.

III.- LA FRANCE RESTE EN RETRAIT DANS LA LUTTE CONTRE LES NUISANCES SONORES NOCTURNES

A.- LES RÉCENTS PROGRÈS EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES RESTENT INSUFFISANTS

1. La réglementation internationale et européenne est largement inadaptée

a) La réglementation internationale : les normes de l'OACI

Les normes acoustiques internationales se fondent sur une définition commune de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) insérée dans l'Annexe 16 à la Convention relative à l'aviation civile internationale.

Elle définit des niveaux de bruit maximaux en fonction des différentes catégories d'aéronefs et de la masse au décollage. Les normes, établies au début des années 1970 et énoncées dans le chapitre 2 de l'Annexe 16, ont été remplacées en 1977 par des normes plus sévères, constituant le chapitre 3 de cette Annexe.

Ainsi, les avions sont classables en trois catégories :

- avions non certifiés ;

- avions certifiés selon les normes du « chapitre 2 », dits appareils « chapitre 2 » ;

- avions certifiés selon les normes « chapitre 3 », dits appareils « chapitre 3 ».

La certification intervient en fonction de l'année de construction des appareils, mais surtout de leur niveau de bruit à différentes étapes de leur utilisation et de niveaux de bruit en fonction du type d'appareil et de leur masse au décollage. Elle impose ainsi un certain nombre de contraintes de conception, de production et d'exploitation des aéronefs.

Pour autant, ce classement n'est pas toujours opérationnel d'un point de vue « sonore », puisque certains appareils « chapitre 3 » sont néanmoins très bruyants.

En effet, certains appareils « chapitre 2 » ont été « hushkittés », c'est-à-dire munis de dispositifs atténuateurs de bruit pour répondre aux normes du « chapitre 3 ». Ces avions, de conception ancienne, demeurent ainsi relativement bruyants par rapport aux autres avions du « chapitre 3 » et par rapport à certains petits appareils du « chapitre 2 ».

L'OACI, consciente des limites de la réglementation existante, travaille actuellement à la mise en place d'une nouvelle norme d'encadrement des nuisances sonores plus pertinente.

b) Les normes européennes sont plus incitatives que contraignantes et ne constituent pas aujourd'hui un cadre opératoire

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